Qu’est-ce qui allie dépenses énergétiques, détérioration de la santé humaine et impacts sur la biodiversité ? La pollution lumineuse ! Ce phénomène désigne plus précisément la présence de lumière anormale pendant la nuit. Comme de nombreux territoires, le Parc de la Montagne de Reims étudie les conséquences de la photopollution à l’échelle locale. L’objectif ? Garantir une meilleure intégration de l’éclairage dans le paysage nocturne, pour le bien-être de tous !
Les nombreux effets des nuisances lumineuses
Depuis quelques années, le sujet de la pollution lumineuse a pris de l’ampleur, en témoigne l’arrêté ministériel du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, réduction et limitation des nuisances lumineuses. En effet, ses conséquences sur les écosystèmes et les organismes sont multiples et bien réelles.
Sur le vivant
Les oiseaux migrateurs, les chauves-souris, les rapaces nocturnes, les invertébrés et l’herpétofaune (reptiles et amphibiens) sont profondément touchés par un éclairage excessif pendant la nuit. Pourquoi ? Car depuis des millions d’années, ces espèces ont adapté leurs sens à leur environnement nocturne. Ainsi, la lumière les désoriente, bloque leurs communications et perturbe leurs interactions. Bref, la lumière nuit !
Vous pensez qu’il s’agit là d’une minorité ? Détrompez-vous : 64 % des invertébrés et 28 % des vertébrés sont actifs pendant le crépuscule et/ou la nuit…
Sur la santé humaine
La lumière artificielle n’est pas non plus la meilleure amie du cycle jour/nuit de l’Homme (également appelé cycle circadien). Bien au contraire ! En tant qu’espèce diurne, nous avons besoin d’un environnement obscur pour sécréter la précieuse hormone du sommeil (la mélatonine). Or, l’exposition à la lumière bleue (notamment présente dans les écrans) inhibe cette dernière1, et nous empêche de rejoindre convenablement les bras de Morphée.
À terme, le bouleversement de ce cycle jour/nuit dérègle notre système immunitaire : la pollution lumineuse est d’ailleurs déclarée comme perturbateur endocrinien2. Le risque relatif de cancer du sein augmente lui aussi significativement, lorsqu’au moins 3 nuits sont travaillées chaque mois pendant 20 ans3. De plus, en 2007, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le travail posté et/ou de nuit dans le groupe 2A des « cancérogènes probables, car ils impliquent une désorganisation circadienne ». 4
Sur l’économie
Le porte-monnaie des Français, lui non plus, ne sort pas indemne de la pollution lumineuse ! D’après l’ADEME, l’éclairage public représente 41 % des consommations d’électricité des collectivités territoriales et 37 % de leurs factures d’électricité. Pourtant, via sa rénovation et une pratique vertueuse, il est possible de réduire ces consommations énergétiques de plus de 75 %.
Oui, agir contre la photopollution permet de réaliser rapidement de sacrées économies ! D’après l’Association nationale de la protection du ciel et de l’environnement nocturnes, 5 800 000 € ont été économisés par les communes labellisées Villes et Villages Étoilés, grâce à leur mise en place de l’extinction nocturne en 2019-2020. 200 000 € ont par ailleurs été gagnés en réduisant la puissance d’éclairage. Enfin, en moyenne, 33 kWh ont été économisés par habitant sur ces communes.
Les idées reçues, principaux freins à la lutte contre la pollution lumineuse
Malgré toutes ces conséquences négatives, certains acteurs rechignent à diminuer leur éclairage. En cause ? Des préjugés, qui leur font craindre (à tort) la hausse des faits suivants.
Les cambriolages
Les chiffres du ministère de l’Intérieur sont pourtant sans appel : 80 % des cambriolages ont lieu de jour, que ce soit en pleine matinée (25 % entre 8 h et 11 h) ou l’après-midi (55 % entre 14 h et 17 h) !
À contrario, l’éclairage nocturne peut même encourager les vols. En 2016, la commune de Rochefort (Charente-Maritime) a expérimenté une mesure d’extinction pendant 6 mois. Résultat ? « Nous avons constaté, avec le commissariat, sur les trois quartiers tests, une baisse des cambriolages de 20 % » 5.
Les incivilités et délits
Il n’y a encore jamais eu de recherche pour évaluer l’impact de l’éclairage public sur la sécurité, d’après le Centre d’Études et Expérience en Risques, Environnement, Mobilité et Urbanisme (Cerema) 5.
Toutefois, « les communes qui ont mis en place des expérimentations assurent que l’extinction nocturne n’a pas engendré plus de délits », affirme Anne-Marie Ducroux, présidente de l’Association nationale de la protection du ciel et de l’environnement nocturnes, qui délivre le label « Villes et Villages Étoilés ».
Les accidents de la route
Une étude a analysé les accidents mortels sur les autoroutes belges en 2014-20156. Elle indique que seuls 16,5 % d’entre eux ont eu lieu dans l’obscurité complète. D’autres facteurs sont en effet à prendre en compte, en plus de la simple absence d’éclairage (vitesse excessive, alcool, fatigue, etc.).
L’accompagnement (lumineux !) du Parc
Le Parc est présent au quotidien pour sensibiliser et aider les communes de son territoire dans leur rapport à l’éclairage nocturne.
Cela passe d’abord par des interventions avec des outils adaptés auprès des habitants ou lors de conseils municipaux, de réunions de mise en conformité de l’éclairage public, etc. Des animations nocturnes organisées par le Parc, en partenariat avec le planétarium de Reims, permettent également aux populations locales de se réapproprier la nuit.
Enfin, le Parc réalise des études de pollution lumineuse et de trame noire. Celles-ci sont précieuses pour faire connaître la problématique sur le territoire, et créer des supports de sensibilisation efficaces.
Besoin de plus d’éclairages ?
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à venir à la Maison du Parc ! Vous pourrez vous y procurer un exemplaire de notre guide pratique « Mieux vivre la nuit : lutter contre la pollution lumineuse ».
Autre option pour faire le jour sur ce sujet : lire l’article dédié sur le blog de la révision de la Charte du Parc. Bien sûr, un agent au Parc est également disponible pour répondre à toutes vos interrogations !
Sources :
1 Lewy AJ et al., 1980
2 Étude de Dufier J.-L. et Touitou Y., 2021
3 Étude de Schernhammer ES et al., 2001
4 Straif K et al. 2007
5 La gazette des communes, 2018
6 Slootmans F. et Daniels S., 2017